Brève réflexion sur les résultats de l’élection québécoise de 2018 : deux victoires et une défaite et demie

par Philippe Mongrain

À la veille de l’élection québécoise du 1er octobre 2018, la plupart des sondages et des projections laissaient croire à la formation d’un gouvernement caquiste ou libéral minoritaire (voir L’élection québécoise de 2018). Or, le parti de François Legault a rapidement distancé ses adversaires.

 

Sur bien des plans, l’élection de 2018 est historique : le dernier gouvernement à avoir été formé par un parti autre que le Parti libéral (PLQ) ou le Parti québécois (PQ) est celui de l’Union nationale (UN) porté au pouvoir en 1966 (malgré une performance inférieure à celle des Libéraux en termes de voix obtenues). La Coalition Avenir Québec (CAQ) a donc mis un frein à l’alternance continue entre gouvernements libéraux et péquistes qui a caractérisé les 50 dernières années. En outre, le PLQ a enregistré le pire score de son histoire avec seulement 24,8% du vote populaire – le parti de Philippe Couillard a sans l’ombre d’un doute été victime de la volonté de changement des Québécois et des Québécoises – c’est le coût d’environ 13 ans de gouverne libérale (qui n’ont été interrompus que par le court intermède péquiste de 2012-2014). Et bien sûr, cette élection consacre aussi le déclassement (peut-être définitif – mais restons prudents) du PQ qui se retrouve bon dernier à l’Assemblée nationale avec moins de sièges que Québec solidaire (QS) et à peine plus de voix que celui-ci[1].

 

Bien malin est celui ou celle qui aurait pu prédire l’obtention d’un gouvernement majoritaire par la formation de François Legault. Si une victoire de la CAQ était belle et bien une possibilité (et ne constitue donc pas une surprise de taille), les sondages annonçaient néanmoins une lutte beaucoup plus serrée entre les candidats caquistes et libéraux. Encore une fois, l’industrie du sondage devra se poser de sérieuses questions. Avec cette victoire nette du parti de François Legault qui, il y a à peine sept ans n’existait pas encore, met évidemment un terme à la possibilité d’une fusion entre la CAQ et le PQ qui aurait pu constituer une option advenant la réélection des Libéraux. Toutefois, une éventuelle fusion entre le PQ et QS constitue désormais une voie alléchante, voire vitale pour les partisans péquistes. On rappellera que le PQ avait déjà proposé l’alliance des deux partis dès 2016. Cette convergence avait toutefois été refusée par les délégués de QS[2]. Jean-François Lisée a d’ailleurs mentionné dans son discours de défaite que « si le congrès de QS avait accepté [la] main tendue [du parti], il y a fort à parier que l’élection […] offrirait un autre résultat »[3]. Maintenant que QS dispose de plus de sièges que le PQ (ce qui constitue possiblement un résultat aussi, sinon plus surprenant encore que l’obtention d’une majorité par la CAQ), il faut se demander si le parti de Manon Massé et Gabriel Nadeau-Dubois sera intéressé à faire alliance ou préférera plutôt poursuivre sa croissance seul sans avoir à faire de concessions au PQ. En somme, l’élection de 2018 s’est soldée par deux victoires (celle de la CAQ et de QS) et une défaite et demie (une défaite claire et sans pitié pour le PQ et une défaite retentissante, mais non fatale pour le PLQ).

[1] Élections Québec, Résultats préliminaires des élections générales provinciales de 2018, 2018. En ligne, https://resultats.dgeq.org/resultatsSommaires.fr.html (page consultée le 2 octobre 2018).

[2] Marco Bélair-Cirino, Québec solidaire rejette la convergence avec le PQ, 2017. En ligne, https://www.ledevoir.com/politique/quebec/499413/convergence-quebec-solidaire-rejette-le-pq (page consultée le 2 octobre 2018).

[3] Lisée cité dans Guillaume Bourgeault-Côté, Le PQ encaisse la pire défaite de son histoire, 2018. En ligne, https://www.ledevoir.com/politique/quebec/538113/resultats-parti-quebecois (page consultée le 2 octobre 2018).

This content has been updated on 2 October 2018 at 21 h 37 min.

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