Et si l’économie décidait de l’issue de l’élection néerlandaise?

Et si l’économie décidait de l’issue de l’élection néerlandaise?

Philippe Mongrain (Université de Montréal), Ruth Dassonneville (Université de Montréal) et Michael S. Lewis-Beck (University of Iowa)

Alors que la plupart des observateurs traitent l’élection néerlandaise comme une sorte de baromètre du populisme en Europe en se concentrant sur des enjeux comme l’Union européenne, l’immigration et la candidature de Geert Wilders du Parti pour la liberté (PVV), il est possible que ces questions aient en réalité moins d’importance que le jugement que porteront les citoyens sur l’état de l’économie nationale une fois dans l’isoloir.

Si cette élection ne concerne pas (seulement) le populisme et Wilders, alors sur quoi peut-elle bien porter? Au vue de la vaste littérature sur le comportement électoral, il ne serait pas étonnant que les conditions macroéconomiques aient un impact substantiel sur le choix des électeurs néerlandais. Dans plusieurs démocraties, on constate que la situation économique est fortement corrélée avec la performance électorale des gouvernements sortants. En effet, les citoyens ont tendance à récompenser leurs dirigeants lorsqu’il y a croissance économique puis à les punir en périodes de vaches maigres.

Nous avons entrepris de vérifier l’impact d’un certain nombre d’indicateurs économiques sur les résultats électoraux aux Pays-Bas. Bien que le système politique néerlandais soit très fragmenté, il semble néanmoins y avoir un lien clair entre certains facteurs économiques tels le PIB et le chômage et le sort de la formation du premier ministre en poste.

Sur la base de ces observations, nous avons mis au point un modèle simple et parcimonieux ayant pour but de prédire le pourcentage des voix récoltées par le parti dont est issu le chef du gouvernement (le Parti populaire libéral et démocrate ou VVD de Mark Rutte dans le cas présent). Les variables retenues pour livrer cette prédiction sont le vote populaire recueilli lors de l’élection précédente, une mesure pondérée de la croissance du produit intérieur brut (PIB) per capita au cours de l’année qui précède l’année électorale et le nombre de mois successifs où la fonction de premier ministre a échu à un membre du parti sortant. Cette dernière variable permet de prendre en considération l’existence potentielle d’un phénomène d’usure du pouvoir.

Ce modèle à trois variables se révèle assez satisfaisant. Les prévisions intra-échantillon (within-sample) qui lui sont associées pour les scrutins de 1952 à 2012 produisent une erreur moyenne absolue avoisinant les 3,7 points de pourcentage.

En appliquant notre formule à l’élection de 2017, nous estimons que le Parti populaire libéral et démocrate du premier ministre Rutte devrait obtenir environ 22,3% des suffrages exprimés.

Cette prévision est supérieure à ce que les derniers sondages suggèrent. Selon les coups de sonde les plus récents auprès de la population, le VVD peut s’attendre à empocher 17% des voix seulement. Bien sûr, les sondages ne sont pas exempts d’erreurs et cela est aussi vrai du modèle que nous proposons ici (rappelons que l’erreur moyenne de notre formule prévisionnelle est de 3,7 points de pourcentage).

Ces deux méthodes de prédictions doivent donc être prises avec un grain de sel, mais nous supposons qu’en vertu de notre modèle, la performance du VVD devrait être un peu plus enviable que ce que laissent croire les firmes de sondage. Si les Néerlandais tiennent bel et bien compte de l’état actuel de l’économie nationale, alors Mark Rutte devraient surpasser les attentes créées par les sondeurs.

Ce contenu a été mis à jour le 15 mars 2017 à 21 h 55 min.

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